mercredi 29 décembre 2010

THE RADIANT CHILD

( Dessin stylo+ encre de chine)
Le film de Tamra Davis "Jean-Michel BASQUIAT, the radiant child" passe encore à l'Utopia Toulouse.
Il commence sur un poème de Langston Hughes, " Genius child".
Genius Child

This is a song for the genius child.
Sing it softly, for the song is wild.
Sing it softly as ever you can-
Lest the song get out of hand.

Nobody loves a genius child.

Can you love an eagle,
Tame or wild?
Can you love an eagle,
Wild or tame?
Can you love a monster
Of frightening name?

Nobody loves a genius child.
Kill him - and let his soul run wild.

Langston Hughes

mercredi 22 décembre 2010

VANITAS VANITATUM

"VANITAS VANITATUM, dixit Ecclesiastes..."

Premier essai en peinture (Acrylique, 60 X 73) : Portrait de Mickey en vanité d'après une sculpture de Nicolas RUBINSTEIN. Je rends à César la tête de Mickey. Après un débat aux BA sur la possibilité de s'inspirer de l'oeuvre des autres : merci Quentin pour la notion de Copyleft!
Et puis ça me donne l'occasion de vous parler de Nicolas Rubinstein dont l'oeuvre "Mickey is also a rat" vaut le détour. http://www.nicolas-rubinstein.com/
Mickey is also a rat. j'ai seulement envie d'ajouter : I'm also a Mickey! une fraternité de la première heure ( je crois avoir appris à lire dans le journal de Mickey. je crois aussi avoir reconnu en lui mon premier rêve d'Amérique.)
Mickey non plus n'échappe pas à l'Ecclésiaste!

"...ET OMNIA VANITAS."


samedi 18 décembre 2010

lundi 13 décembre 2010

PLONGEE


Première et dernières phrases de "Rue de la Sardine" de Steinbeck.

lundi 6 décembre 2010

NOUVELLE

PLUS RIEN A DIRE.


Quand Yves a disparu, c’était juste après la fermeture de son usine, alors tu penses bien… Quand ils l’ont repêché dans la Laïta, ils ont vite classé l’affaire. Pourtant, j’y crois pas, moi, au suicide.
Il aurait laissé Nadine, comme ça, avec les trois mômes ? J’y crois pas.
_ Tu parles d’Yves, mais toi, tu l’as jamais aimé.
_ Vous en avez fait une vedette d’Yves. Avec ses grands airs de responsable syndical. Ça vous a menés où ? hein ?
_ Depuis qu’il est plus là, rien n’est comme avant.
_ Lui, quand il venait ici, il avait toujours quelque chose à dire. Il s’inquiétait pour nous.
_ Il a pas empêché que l’Usine ferme. Il a pas empêché qu’on n’ait plus de boulot !
_ Moi je crois qu’il a dû glisser. Il ne se serait jamais suicidé. Il devait partir rejoindre Nina.
_ Je vous laisse, je dois rentrer.
_ Toi, Loïc, dès qu’on prononce le nom de Nina, tu disparais. Qu’est-ce que t’en penses toi, de la mort d’Yves ?
_ Moi, je pense pas. Y a rien à dire. Et puis faut que j’y aille.
_ allez ! reste prendre un verre. Pourquoi t’es pressé ? personne t’attend. Elle est partie Nina! »

Si je ne pars pas tout de suite, je vais le démolir, celui-là. Lui faire ravaler ses mots.
Nina, n’est plus là. Personne ne sait au juste quand elle est partie. On sait seulement qu’elle n’est plus là. Nina devait s’enfuir avec Yves. Quand on a retrouvé Yves, il avait un billet d’avion pour le Brésil dans la poche de sa veste. Alors tout le monde a cru que c’était pour rejoindre Nina. Tout le monde sauf Nadine. Nina, personne ne sais où elle a bien pu aller. Peut-être au Brésil.
« Elle était bien comme sa mère ! elle a voulu aller voir ailleurs.
_ Yves, quand il a vu Nina, la première fois, ça l’a mis K.O. !
_ Avec la fermeture de l’Usine, il a pas tenu le coup.
_ De toute façon, moi, je ne l’aimais pas Yves. Il n’a apporté que du vent ici. Du bla-bla. Ce soir-là, il a dû glisser. Et puis voilà. Y a plus rien à dire. »

On parle peu ici. Le seul endroit où les langues se délient, c’est chez Dédé, au bar de la rue du Port. Depuis la fermeture de l’Usine et la mort d’Yves, les gars refont le monde tous les soirs. Les gars seulement. Parce que les filles, à part Lola, elles n’entrent pas chez Dédé.
« Y’a plus rien à dire », c’est toujours comme ça que les conversations se terminent.
Tout le monde parle en même temps. Tout le monde a quelque chose à dire sur la vie, ici, au port. Et tout le monde finit par se taire. Chacun rentre chez soi. Les uns ivres, les autres fatigués par leurs rêves sans lendemain.

Ce soir je rentre. Je n’ai plus envie de les entendre. Pas envie non plus qu’on me parle de Nina.
Nina, je n’ai même pas besoin qu’on m’en parle. Elle parle toute seule dans ma tête.
Nina habitait dans ma rue. J’avais six ans la première fois que je l’ai vue. Au fond de son berceau ses yeux immenses ont accroché mon regard comme si elle me parlait. Ses yeux, c’est devenu ma drogue. Je n’ai jamais pu m’en défaire. Son père travaillait à la conserverie . Sa mère est partie pour la ville. Elle disait toujours que la vie ici, elle était pas pour elle. Elle voulait découvrir la ville, la vraie, là où les gens ne la connaitraient pas mais la remarqueraient pour sa beauté. Elle trouvait qu’ici tout le monde empestait la mer.
Quand elle est partie, Nina avait quatre ans. Je la voyais qui attendait, assise des heures devant la porte, que son père rentre de la conserverie. L’Usine comme on l’appelle ici .
Souvent, elle pleurait en silence.
Un jour, elle devait avoir six ans, je lui ai apporté un petit chat. Elle m’a souri pour la première fois. Ses yeux sur moi ont eu l’effet d’une caresse. Je suis revenu chaque jour, lui parler, lui apporter des trésors.
Elle a gardé le petit chat. « Je l’appellerai Lolo, comme toi Loïc ! »
Je ne l’ai plus quittée.
Quand j’ai eu « l’âge », je suis devenu pêcheur sur le bateau de mon père.
J’arrivais pas à croire que j’allais laisser Nina. Depuis que sa mère est partie, depuis le chat, c’est moi qui veille sur Nina.
« Mais je suis là, Loïc! Quand tu rentreras je serai toujours là ! ».
Nina. Partir et ne plus voir ses yeux.
« Pourquoi me regardes-tu comme ça Loïc ? j’ai l’impression que tu m’étouffes!
_ Je suis fier de toi Nina ! ta mère serait fière de toi aussi!
_ Parce que je travaille bien à l’école ?
_ Oui, et parce que tu es tellement belle !
_ Ne te moques pas, Loïc ! Papa dit qu’à dix ans je ne suis qu’un moustique !
_ Tu es un papillon ! Une fleur !
_ Et toi tu es mon seul ami. Les filles, à l’école, disent que je suis une souillon. Et que ma mère est une traînée. Qu’est ce que ça veut dire ? Pourquoi personne ne veut me parler ?
_Laisse-les ! Elles se méfient de toi parce que tu es différente d’elles. Elles ont peur de ta beauté. Y rien à dire !
_ Ne me taquines pas, Loïc! Belle, ça sert à rien si personne te regarde ! Il me manque des coquillages pour terminer mon collier. Tu sais, ceux que tu m’as rapportés la semaine dernière et que toi seul sait trouver.
_ Je t’en apporterai d’autres.
Je suis parti en mer. Des semaines. Du temps qui passe dans le silence de la mer. Des jours de pêche, le ventre serré. Je pense à Nina. A ses yeux. Au temps loin d’elle avec la peur qu’elle disparaisse. J’enrage. Je suis sur le pont jour et nuit. Jusqu’à ce que la fatigue m’abatte. Jusqu’à ce qu’on rentre enfin.

En mars, l’an dernier nous avons dû attendre trois jours avant de pouvoir rentrer au port de Doëlan.
A cause de la tempête. Quand nous sommes arrivés, la pluie trempait les quais et les bourrasques avaient balayé toute forme humaine.
Moi, ce que je voulais, c’était retrouver Nina.
Elle n’était pas chez elle. Quand je suis passé chez Dédé, j’ai appris qu’on avait repêché Yves dans la Laïta, la veille. Je ne suis rentré que tard dans la nuit. Personne n’avait vu Nina depuis plusieurs jours. Tout le monde disait qu’elle était partie.
J’ai trouvé une lettre glissée sous ma porte.
Une lettre comme un coup de poignard.
« Mon Lolo,
Quand tu rentreras, je serai partie. J’aurais tellement voulu te dire au-revoir ! Mais je suis prise par le temps. Je m’en vais avec Yves parce que nous nous aimons. Nous partons très loin parce qu’ici nous ne pourrons pas vivre.
Si tu n’as pas de mes nouvelles, ne sois pas triste mon Loïc parce que tu sais que je penserai toujours à toi.
Ta Nina. »

J’ai sauté dans ma barque. J’ai remonté la Laïta jusqu’à l’abbaye de Saint Maurice.
La pluie battait la nuit et le vent me giflait. Je ne pouvais pas rentrer. Que serait la vie sans Nina ? L’orage allumait les formes distordues des chênes qui longent la Laïta et les replongeait dans des trombes. Ma barque tanguait sous les assauts du vent. Je ramais de plus en plus vite. Je ne sentais plus mes bras. Quand j’ai aperçu l’abbaye, j’ai prié. Je voulais que Nina reste.

Je suis rentré au milieu de la nuit. J’ai vu une ombre devant la porte de la maison.
Nina était plantée là, ruisselante.
« Nina ?
_ Loïc ! Il ne voulait plus partir. Je l’ai rejoint mais il ne voulait plus partir. Il ne voulait plus de moi. »
Nina tremblait et ses yeux exorbités avaient l’éclat de la folie.
Je l’ai faite entrer. On entendait les ronflements de mon père à l’étage. Il était de ceux qui repartent ivres de chez Dédé.
Moi qui croyais ne plus la revoir, je la trouvais devant ma porte.
« Que s’est il passé ? » Je lui ai tendu une serviette pour qu’elle se sèche. Elle tremblait.
« Je devais rejoindre Yves, ce soir-là, sur le quai du Port-bas. Nous devions nous retrouver pour partir. A cause de la tempête. Nous attendions la tempête pour que personne ne nous voie partir ensemble. Quand je suis arrivée, Yves ma dit qu’il ne voulait plus partir. Qu’il ne voulait pas quitter sa femme. Que nous devions tout oublier. Je l’ai poussé, Loïc ! Je l’ai poussé et il est tombé dans la Laïta. Il a dû se cogner en tombant parce que je ne l’ai pas vu ressortir de l’eau. Je n’ai pas appelé à l’aide. Je me suis enfuie.
_ Où est ton père ? il dort à la maison ?
_ Non. Il est chez Lola. Depuis trois mois il vit chez elle.
_ Personne ne t’a vue ? tout le monde te croit partie! Tu diras que tu es allée voir ta mère le mois dernier. Et que tu n’es rentrée que cette nuit.
_ Mais à qui veux tu que je dise ça ! Qui se préoccupe de moi d’après toi?
_ je suis là, moi. Je suis là. »
Je lui ai dit qu’ils avaient repêché Yves. Que la police a conclu au suicide parce que Nadine a dit qu’elle ne le reconnaissait plus les jours qui ont précédé sa mort. Qu’il était sombre et ne parlait plus. A cause de la fermeture de l’Usine.

« Nina ! tout le monde te croit partie. Tu n’as plus qu’à revenir et tout redeviendra comme avant. Demain je te montrerai mon coin secret. Celui où je trouve les coquillages que tu aimes.
_ Je ne peux pas rester ici Loïc ! Tu es mon ami et je voulais te dire au revoir. Je partirai avant le lever du jour. Je sais que tu ne diras rien aux autres. »
Elle me tournait le dos quand elle a dit ça, elle s’était approchée du poêle pour se réchauffer. J’ai pas vu ses yeux. J’ai serré mes mains autour de son cou et l’ai cueillie comme un papillon, comme une fleur.

Ses yeux, c’est moi qui les ai fermés.
Je l’ai portée jusqu’à mon coin secret et avant que le jour se lève, je lui ai arrangé un lit au fond de la grotte sous le sable et sous les coquillages.
Nina ne m’attends plus devant sa porte mais je sais où elle dort.
Alors quand je vais chez Dédé, j’ai pas envie de parler. Y a plus rien à dire.
Ici, ceux qui ne parlent pas, personne ne s’en inquiète.
CM.

vendredi 3 décembre 2010