mercredi 29 décembre 2010

THE RADIANT CHILD

( Dessin stylo+ encre de chine)
Le film de Tamra Davis "Jean-Michel BASQUIAT, the radiant child" passe encore à l'Utopia Toulouse.
Il commence sur un poème de Langston Hughes, " Genius child".
Genius Child

This is a song for the genius child.
Sing it softly, for the song is wild.
Sing it softly as ever you can-
Lest the song get out of hand.

Nobody loves a genius child.

Can you love an eagle,
Tame or wild?
Can you love an eagle,
Wild or tame?
Can you love a monster
Of frightening name?

Nobody loves a genius child.
Kill him - and let his soul run wild.

Langston Hughes

mercredi 22 décembre 2010

VANITAS VANITATUM

"VANITAS VANITATUM, dixit Ecclesiastes..."

Premier essai en peinture (Acrylique, 60 X 73) : Portrait de Mickey en vanité d'après une sculpture de Nicolas RUBINSTEIN. Je rends à César la tête de Mickey. Après un débat aux BA sur la possibilité de s'inspirer de l'oeuvre des autres : merci Quentin pour la notion de Copyleft!
Et puis ça me donne l'occasion de vous parler de Nicolas Rubinstein dont l'oeuvre "Mickey is also a rat" vaut le détour. http://www.nicolas-rubinstein.com/
Mickey is also a rat. j'ai seulement envie d'ajouter : I'm also a Mickey! une fraternité de la première heure ( je crois avoir appris à lire dans le journal de Mickey. je crois aussi avoir reconnu en lui mon premier rêve d'Amérique.)
Mickey non plus n'échappe pas à l'Ecclésiaste!

"...ET OMNIA VANITAS."


samedi 18 décembre 2010

lundi 13 décembre 2010

PLONGEE


Première et dernières phrases de "Rue de la Sardine" de Steinbeck.

lundi 6 décembre 2010

NOUVELLE

PLUS RIEN A DIRE.


Quand Yves a disparu, c’était juste après la fermeture de son usine, alors tu penses bien… Quand ils l’ont repêché dans la Laïta, ils ont vite classé l’affaire. Pourtant, j’y crois pas, moi, au suicide.
Il aurait laissé Nadine, comme ça, avec les trois mômes ? J’y crois pas.
_ Tu parles d’Yves, mais toi, tu l’as jamais aimé.
_ Vous en avez fait une vedette d’Yves. Avec ses grands airs de responsable syndical. Ça vous a menés où ? hein ?
_ Depuis qu’il est plus là, rien n’est comme avant.
_ Lui, quand il venait ici, il avait toujours quelque chose à dire. Il s’inquiétait pour nous.
_ Il a pas empêché que l’Usine ferme. Il a pas empêché qu’on n’ait plus de boulot !
_ Moi je crois qu’il a dû glisser. Il ne se serait jamais suicidé. Il devait partir rejoindre Nina.
_ Je vous laisse, je dois rentrer.
_ Toi, Loïc, dès qu’on prononce le nom de Nina, tu disparais. Qu’est-ce que t’en penses toi, de la mort d’Yves ?
_ Moi, je pense pas. Y a rien à dire. Et puis faut que j’y aille.
_ allez ! reste prendre un verre. Pourquoi t’es pressé ? personne t’attend. Elle est partie Nina! »

Si je ne pars pas tout de suite, je vais le démolir, celui-là. Lui faire ravaler ses mots.
Nina, n’est plus là. Personne ne sait au juste quand elle est partie. On sait seulement qu’elle n’est plus là. Nina devait s’enfuir avec Yves. Quand on a retrouvé Yves, il avait un billet d’avion pour le Brésil dans la poche de sa veste. Alors tout le monde a cru que c’était pour rejoindre Nina. Tout le monde sauf Nadine. Nina, personne ne sais où elle a bien pu aller. Peut-être au Brésil.
« Elle était bien comme sa mère ! elle a voulu aller voir ailleurs.
_ Yves, quand il a vu Nina, la première fois, ça l’a mis K.O. !
_ Avec la fermeture de l’Usine, il a pas tenu le coup.
_ De toute façon, moi, je ne l’aimais pas Yves. Il n’a apporté que du vent ici. Du bla-bla. Ce soir-là, il a dû glisser. Et puis voilà. Y a plus rien à dire. »

On parle peu ici. Le seul endroit où les langues se délient, c’est chez Dédé, au bar de la rue du Port. Depuis la fermeture de l’Usine et la mort d’Yves, les gars refont le monde tous les soirs. Les gars seulement. Parce que les filles, à part Lola, elles n’entrent pas chez Dédé.
« Y’a plus rien à dire », c’est toujours comme ça que les conversations se terminent.
Tout le monde parle en même temps. Tout le monde a quelque chose à dire sur la vie, ici, au port. Et tout le monde finit par se taire. Chacun rentre chez soi. Les uns ivres, les autres fatigués par leurs rêves sans lendemain.

Ce soir je rentre. Je n’ai plus envie de les entendre. Pas envie non plus qu’on me parle de Nina.
Nina, je n’ai même pas besoin qu’on m’en parle. Elle parle toute seule dans ma tête.
Nina habitait dans ma rue. J’avais six ans la première fois que je l’ai vue. Au fond de son berceau ses yeux immenses ont accroché mon regard comme si elle me parlait. Ses yeux, c’est devenu ma drogue. Je n’ai jamais pu m’en défaire. Son père travaillait à la conserverie . Sa mère est partie pour la ville. Elle disait toujours que la vie ici, elle était pas pour elle. Elle voulait découvrir la ville, la vraie, là où les gens ne la connaitraient pas mais la remarqueraient pour sa beauté. Elle trouvait qu’ici tout le monde empestait la mer.
Quand elle est partie, Nina avait quatre ans. Je la voyais qui attendait, assise des heures devant la porte, que son père rentre de la conserverie. L’Usine comme on l’appelle ici .
Souvent, elle pleurait en silence.
Un jour, elle devait avoir six ans, je lui ai apporté un petit chat. Elle m’a souri pour la première fois. Ses yeux sur moi ont eu l’effet d’une caresse. Je suis revenu chaque jour, lui parler, lui apporter des trésors.
Elle a gardé le petit chat. « Je l’appellerai Lolo, comme toi Loïc ! »
Je ne l’ai plus quittée.
Quand j’ai eu « l’âge », je suis devenu pêcheur sur le bateau de mon père.
J’arrivais pas à croire que j’allais laisser Nina. Depuis que sa mère est partie, depuis le chat, c’est moi qui veille sur Nina.
« Mais je suis là, Loïc! Quand tu rentreras je serai toujours là ! ».
Nina. Partir et ne plus voir ses yeux.
« Pourquoi me regardes-tu comme ça Loïc ? j’ai l’impression que tu m’étouffes!
_ Je suis fier de toi Nina ! ta mère serait fière de toi aussi!
_ Parce que je travaille bien à l’école ?
_ Oui, et parce que tu es tellement belle !
_ Ne te moques pas, Loïc ! Papa dit qu’à dix ans je ne suis qu’un moustique !
_ Tu es un papillon ! Une fleur !
_ Et toi tu es mon seul ami. Les filles, à l’école, disent que je suis une souillon. Et que ma mère est une traînée. Qu’est ce que ça veut dire ? Pourquoi personne ne veut me parler ?
_Laisse-les ! Elles se méfient de toi parce que tu es différente d’elles. Elles ont peur de ta beauté. Y rien à dire !
_ Ne me taquines pas, Loïc! Belle, ça sert à rien si personne te regarde ! Il me manque des coquillages pour terminer mon collier. Tu sais, ceux que tu m’as rapportés la semaine dernière et que toi seul sait trouver.
_ Je t’en apporterai d’autres.
Je suis parti en mer. Des semaines. Du temps qui passe dans le silence de la mer. Des jours de pêche, le ventre serré. Je pense à Nina. A ses yeux. Au temps loin d’elle avec la peur qu’elle disparaisse. J’enrage. Je suis sur le pont jour et nuit. Jusqu’à ce que la fatigue m’abatte. Jusqu’à ce qu’on rentre enfin.

En mars, l’an dernier nous avons dû attendre trois jours avant de pouvoir rentrer au port de Doëlan.
A cause de la tempête. Quand nous sommes arrivés, la pluie trempait les quais et les bourrasques avaient balayé toute forme humaine.
Moi, ce que je voulais, c’était retrouver Nina.
Elle n’était pas chez elle. Quand je suis passé chez Dédé, j’ai appris qu’on avait repêché Yves dans la Laïta, la veille. Je ne suis rentré que tard dans la nuit. Personne n’avait vu Nina depuis plusieurs jours. Tout le monde disait qu’elle était partie.
J’ai trouvé une lettre glissée sous ma porte.
Une lettre comme un coup de poignard.
« Mon Lolo,
Quand tu rentreras, je serai partie. J’aurais tellement voulu te dire au-revoir ! Mais je suis prise par le temps. Je m’en vais avec Yves parce que nous nous aimons. Nous partons très loin parce qu’ici nous ne pourrons pas vivre.
Si tu n’as pas de mes nouvelles, ne sois pas triste mon Loïc parce que tu sais que je penserai toujours à toi.
Ta Nina. »

J’ai sauté dans ma barque. J’ai remonté la Laïta jusqu’à l’abbaye de Saint Maurice.
La pluie battait la nuit et le vent me giflait. Je ne pouvais pas rentrer. Que serait la vie sans Nina ? L’orage allumait les formes distordues des chênes qui longent la Laïta et les replongeait dans des trombes. Ma barque tanguait sous les assauts du vent. Je ramais de plus en plus vite. Je ne sentais plus mes bras. Quand j’ai aperçu l’abbaye, j’ai prié. Je voulais que Nina reste.

Je suis rentré au milieu de la nuit. J’ai vu une ombre devant la porte de la maison.
Nina était plantée là, ruisselante.
« Nina ?
_ Loïc ! Il ne voulait plus partir. Je l’ai rejoint mais il ne voulait plus partir. Il ne voulait plus de moi. »
Nina tremblait et ses yeux exorbités avaient l’éclat de la folie.
Je l’ai faite entrer. On entendait les ronflements de mon père à l’étage. Il était de ceux qui repartent ivres de chez Dédé.
Moi qui croyais ne plus la revoir, je la trouvais devant ma porte.
« Que s’est il passé ? » Je lui ai tendu une serviette pour qu’elle se sèche. Elle tremblait.
« Je devais rejoindre Yves, ce soir-là, sur le quai du Port-bas. Nous devions nous retrouver pour partir. A cause de la tempête. Nous attendions la tempête pour que personne ne nous voie partir ensemble. Quand je suis arrivée, Yves ma dit qu’il ne voulait plus partir. Qu’il ne voulait pas quitter sa femme. Que nous devions tout oublier. Je l’ai poussé, Loïc ! Je l’ai poussé et il est tombé dans la Laïta. Il a dû se cogner en tombant parce que je ne l’ai pas vu ressortir de l’eau. Je n’ai pas appelé à l’aide. Je me suis enfuie.
_ Où est ton père ? il dort à la maison ?
_ Non. Il est chez Lola. Depuis trois mois il vit chez elle.
_ Personne ne t’a vue ? tout le monde te croit partie! Tu diras que tu es allée voir ta mère le mois dernier. Et que tu n’es rentrée que cette nuit.
_ Mais à qui veux tu que je dise ça ! Qui se préoccupe de moi d’après toi?
_ je suis là, moi. Je suis là. »
Je lui ai dit qu’ils avaient repêché Yves. Que la police a conclu au suicide parce que Nadine a dit qu’elle ne le reconnaissait plus les jours qui ont précédé sa mort. Qu’il était sombre et ne parlait plus. A cause de la fermeture de l’Usine.

« Nina ! tout le monde te croit partie. Tu n’as plus qu’à revenir et tout redeviendra comme avant. Demain je te montrerai mon coin secret. Celui où je trouve les coquillages que tu aimes.
_ Je ne peux pas rester ici Loïc ! Tu es mon ami et je voulais te dire au revoir. Je partirai avant le lever du jour. Je sais que tu ne diras rien aux autres. »
Elle me tournait le dos quand elle a dit ça, elle s’était approchée du poêle pour se réchauffer. J’ai pas vu ses yeux. J’ai serré mes mains autour de son cou et l’ai cueillie comme un papillon, comme une fleur.

Ses yeux, c’est moi qui les ai fermés.
Je l’ai portée jusqu’à mon coin secret et avant que le jour se lève, je lui ai arrangé un lit au fond de la grotte sous le sable et sous les coquillages.
Nina ne m’attends plus devant sa porte mais je sais où elle dort.
Alors quand je vais chez Dédé, j’ai pas envie de parler. Y a plus rien à dire.
Ici, ceux qui ne parlent pas, personne ne s’en inquiète.
CM.

vendredi 3 décembre 2010

mercredi 17 novembre 2010

PLUME OU PLOMB ?

On me reproche mes humeurs automnales à la maison, j'ai dû faire appel à mes robots pour une touche de légèreté. Plume ou plomb? That is the question.

lundi 15 novembre 2010

MA REVERENCE








Un moment que ce titre de Véronique Sanson me trotte dans la tête.
Humeur d'automne.



vendredi 12 novembre 2010

L'ETRANGER

Extrait de "l'Etranger". Peut-on mettre des images sur les mots de Camus ?
La relecture de "l'Etranger" a réouvert en moi ces "chemins familiers tracés dans les ciels d'été".

jeudi 11 novembre 2010

DAC DOC


KEZACO CUECO?


Visite du Musée Ingres de Montauban pour une exposition Henri Cueco.





lundi 1 novembre 2010

TOUSSAINT

"She stands
In the quiet darkness
This troubled woman
Bowed by weariness and pain,
Like an
Autumn flower
In the frozen rain
Like a wind-blown autumn flower
That never lifts its head
Again"
Langston HUGHES

MYSTIC CLINIC

Entrer dans une clinique c'est pénétrer dans une autre dimension. Temps arrêté dans un espace désincarné.


j'accompagne Maxime, dernier épisode après la fracture de sa jambe. On nous installe dans une cellule et on nous dit que sur la suite on ne peut rien nous dire. il faut attendre.

je m'assois en face de lui et je le regarde lire.

"Au sud de nulle part" de Bukowski. C'est là que nous sommes, au sud de nulle part dans le temps suspendu.


jeudi 21 octobre 2010

CARNET DE CROQUIS



C'est parti! le fil conducteur cette année pour le cours aux BA est le carnet de croquis. Carnet de voyage, carnet d'immobilité, carnet de vie, carnet de rêve. carnet quoi!


Pour la première page il fallait faire le portrait d'une personne.


J'ai pensé à cette phrase de Colette dans "Colette journaliste": "Comme en tous lieux où l'homme est seul en face de lui-même, la solitude lui fait connaître le prix de deux amitiés incomparables, celle de la bête et celle du livre."




(carnet, feutre et aquarelle)



Deuxième étape: choisir un objet et raconter son histoire.
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"(Lamartine)
Comme je suis plongée dans le dernier livre de Florent Chavouet ("Manabé Shima") j'ai voulu m'essayer aux crayons de couleur.




(mon bureau, crayons de couleur et feutre)




jeudi 7 octobre 2010

RENTREE

( dessin feutre)

Enfin la rentrée!

Premier voyage. A la rencontre de Carlos, notre nouveau modèle aux Beaux Arts.

Il s'assoit, Quentin lui pose des questions, lui demande de nous parler de lui.
Ecouter, regarder, saisir.

Se faufiler dans cette voie vers les étoiles ouverte dans son regard .

"Giant steps are what you take
Walking on the moon
I hope my legs don't break
Walking on the moon
We could walk forever
Walking on the moon
We could be together
Walking on, walking on the moon "





jeudi 30 septembre 2010

MEMENTO MORI



VOODOO CHILD

Dessin stylo

Redécouverte de Hendrix par Stevie Ray Vaughan.

mardi 14 septembre 2010

THE SHOW MUST GO ON


Montreux, statue de Freddy Mercury.


Montreux, août 2010.
Le dernier album de Queen "MADE IN HEAVEN", a été bouclé ici.

La famile de Michel louait à Freddy Mercury une villa au bord du lac, avec un petit chalet qui s'avance sur l'eau et qui figure sur la pochette de l'album.




Michel est né ici dans ce qu'il appelait aussi son paradis.
Il s'y est éteint deux jours après notre visite, après avoir fait le tour du jardin et jeté un dernier regard sur le lac.
Le Paradis est définitivement triste.





dimanche 15 août 2010

Wild Horses




Répétition de"Wild Horses" avant le mariage d'Alva.


"I have my freedom but I don't have much time
Faith has been broken tears must be cried,Let's do some living after we die" (The Rolling Stones, Wild Horses)






VACANCES!!!!


Bien peu locace depuis le début de l'été!
Silence rime avec Vacance !
Miramar, ESPAGNE
"Regarde la mer"

je regarde aussi le pas des oiseaux le matin , la fresque des coquillages.









vendredi 25 juin 2010

CONVERSATION

(Dessin feutre)



mardi 8 juin 2010

NOUVELLE : Phrase de départ imposée: "Je n’ai jamais vu la mer. Le sol carrelé de noir et de blanc ondule comme l’eau à quelques centimètres de mes yeux. J’ai mal à en mourir. Je ne suis pas morte. Quand on s’est jeté sur moi - je ne suis pas folle, quelqu’un, quelque chose s’est jeté sur moi - j’ai pensé : je n’ai jamais vu la mer."


JE N’AI JAMAIS VU LA MER

« Je n’ai jamais vu la mer. » C’est ce qu’il disait et je lui avais promis qu’il la verrait. Je lui avais promis que nous partirions. Que nous arriverions, les pieds brûlés par le sable trop chaud pour nous jeter dans l’eau fraiche. Courir plus vite.
« Le premier dans l’eau aime le plus l’autre ! » Un défi. Rien que toi et moi. Disparaître dans les vagues. Ressortir. Respirer. Les cheveux collés au visage. Les yeux brûlés par le sel.
« Regarde-moi ! Regarde comme je plonge ! Regarde : la vague m’emporte. Attends-moi !
_ Allonge tes bras et chasse l’eau. Laisse-toi porter.
_J’ai peur.
_Non n’aies pas peur, je te tiens. Je suis là. »
Toutes ces phrases qui cognent.

Il était une fois un grand explorateur. Il voulait trouver la route des Indes. Il était une fois une baleine blanche et un capitaine qui la traquait. Il était une fois une île et un homme qui s’appelait Robinson. Il était une fois la fille d’un roi qui régnait au fond des mers.
« Je n’ai jamais vu la mer…pourquoi vivons-nous ici ?
_ Parce que je voulais connaître le désert. Quand j’avais ton âge je rêvais de désert. De ces immensités de sable. C’est pour ça que j’ai choisi mon métier.
_ Il fait chaud ici et toutes ces histoires que tu me racontes me donnent envie de voir la mer.
_ Je sais, mais regarde autour de toi ! Regarde les dunes. Elles te racontent le mouvement des vagues. Quand tu iras mieux nous partirons . Il faut d’abord que tu guérisses. »
Ici les vagues n’avancent que sous les caprices du vent. Des vagues minérales comme je les avais rêvées.
« Tout ce sable qui nous entoure, imagine qu’il est notre plage. Que si nous marchons droit devant, très loin, nous trouverons la mer. Tu dois prendre des forces. Tu dois venir avec moi jusqu’à elle. »
Nous terrasserons tes fièvres et alors nous irons jusqu’à elle.
J’essaie de deviner, derrière ses paupières closes, ses rêves de mer.
Moi, je ne ferme plus les yeux. Je m’accroche à son souffle. Je cherche, dans ces histoires de mer que je lui raconte, l’apaisement d’une berceuse. Le rythme de la vague. L’incessant aller-retour qui suspend le temps et nous plonge dans l’éternité. Combien de nuits encore à écouter son souffle. Combien de jours à tenir sa main pour le garder près de moi.
« Raconte-moi encore l’arrivée de Vendredi. Raconte-moi la couleur de l’eau après la tempête. Et la mousse des vagues. Raconte-moi les crabes qui courent sur le côté. »

Hier le désert a soudain grondé. Cinq hélicoptères ont surgit de derrière les dunes, à l’aube. Des hommes armés ont sauté. Il y a eu des coups de feu et soudain quelqu’un est entré dans notre tente et nous a dit de le suivre. J’ai arraché Pierre à son lit. Je ne voyais plus rien que le dos de cet homme que je suivais. Au pied de l’hélicoptère deux hommes nous ont hissés à bord et nous avons décollé.
Je serrais Pierre dans mes bras.
Je ne suis pas folle. Quand nous nous sommes posés, je ne voulais pas lâcher Pierre. On nous a portés, serrés l’un contre l’autre, dans ce qui ressemble à un hôpital. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’on me dit. Je n’entends que Pierre. « Je n’ai jamais vu la mer. »
On nous a accompagnés jusqu’à une chambre. J’ai déposé Pierre sur un lit. Il est brûlant. Des femmes en blanc nous ont apporté de l’eau et un homme nous a examinés. Il a fait une piqûre à Pierre et m’a fait avaler un comprimé. Je regarde l’homme et aucun mot ne sort de ma bouche. Je ne suis pas folle. Je le regarde. La souffrance est muette, retirée en moi. Mes yeux vont de lui à Pierre. Balancement de vagues.
« Depuis combien de temps est-il dans cet état ? » Me demande-t-il.
Combien de temps ? Je ne suis pas folle. Combien de temps ? Je ne sais pas. Le temps s’est arrêté. Chaque grain de sable a roulé sous le vent. J’ai perdu le compte.
J’ai raconté à Pierre l’histoire de Robinson. Je lui ai parlé de sa manière de compter le temps.
« C’est quoi une clepsydre ?
_De l’eau qui sert à compter le temps. En coulant goutte à goutte dans un récipient. Comme un sablier, mais liquide. »
Je n’ai pas compté notre temps à nous. Le temps qui a creusé les joues de Pierre. Le temps qui a volé son sommeil. Le temps qui a allumé en lui ce feu qui le dévore. Depuis quand ?
L’homme m’observe. Il pose sa main sur mon épaule et je sursaute.
Je dis :
« Je ne suis pas folle. Il faut que nous allions voir la mer. Pour éteindre ses fièvres. Il faut qu’il connaisse la mer. Je lui ai promis.
_ Vous devez vous reposer. Nous allons mettre l’enfant sous perfusion. Il est déshydraté. Vous comprenez ce que je vous dis ? »
Je ne suis pas folle. Qu’est ce qui s’est détraqué ? Qu’est ce qui s’est passé depuis ce temps où je m’asseyais pour regarder la mer ? Depuis ce temps où j’étouffais de ne pas pouvoir aller plus loin. Fuit-on la mer ? M’a-t-elle rattrapée ? Je regarde autour de moi cette chambre aux murs blancs. Le lit de fer sur lequel repose Pierre. La fenêtre aux persiennes tirées. Je suis à la dérive. Rien n’est fixe. Tout ondule dans la pièce. Je ne suis pas folle. J’ai tellement imploré la mer qu’elle est venue jusqu’à moi. Le sol carrelé de noir et de blanc ondule comme l’eau à quelques centimètres de mes yeux.

Je suis née à Saint-Malo.
Mon père était pêcheur et ma mère l’attendait, capitaine d’un navire sans voyage, scrutant toujours l’horizon, désespérément amarrée à la terre et à l’attente. Elle accordait les battements de son cœur au rythme de la mer. Abîmée dans le décryptage de ses ondulations, des heures durant, assise à la fenêtre l’hiver ou sur le banc de pierre aux beaux jours, devant la maison.
Je suis née un an après mon frère. Nous avons grandi curieux de cette attente. Proches et pourtant tellement éloignés de cette mère dont le regard braqué sur l’horizon se posait parfois sur nous et s’éclairait alors d’une lueur de surprise. Nous, « le choix du roi » comme se plaisait à répéter notre père, nous étions inventés Prince et Princesse, chassant l’angoisse de l’attente en scellant en un pacte secret la promesse de ne jamais nous séparer.
Mon frère voulait devenir pêcheur. Il guettait les retours de notre père, et me disait toujours qu’il partirait avec lui. J’appréhendais ces retours. Nous passions des heures assis, face à la mer. Mon frère me racontait ses rêves de voyages et moi je lui confiais envier le sort de la petite sirène parce au fond de l’eau elle ne connaissait pas les larmes.
« Si tu pars pêcher je te suivrai.
_Les filles ne deviennent pas pêcheur.
_ Alors je deviendrai sirène pour ne pas pleurer ton absence et je te suivrai sous l’eau.
_Allez ! Viens sirène ! Le dernier arrivé aime le moins l’autre ! »
Il courrait vers la mer pour y plonger avant moi. Je le suivais en hurlant.
« Non !! C’est moi qui t’aime le plus. »
Et mes cris se perdaient dans l’eau. Pas de larmes et pas de cris. Seule la joie de le rejoindre et de lutter ensemble contre la force des vagues. Quand nous ne pouvions pas nous baigner, nous venions sur la plage prolonger les histoires que nous lisait ma mère. Il était Robinson et j’étais Vendredi. Il était Moby Dick et j’étais Ismaël. Il était Christophe Colomb et je foulais avec lui la terre du nouveau monde.

Je suis devenue paléontologue.
Je suis venue ici, dans ce désert, sécher mes chagrins liquides dans le sable. Me perdre dans les pierres. Ne plus entendre la rumeur de l’océan.
La nuit, le désert rend le silence presque palpable.
Je faisais des recherches au fond de ce désert. Nous étions six permanents sur le camp. Un jour, des hommes armés nous ont enlevés. Le temps s’est arrêté. Les rebelles ont cru pouvoir nous échanger ou peut-être seulement attirer l’attention sur leur cause. Après quelques mois, ils semblaient avoir oublié pourquoi ils nous retenaient. Nous n’avions aucune nouvelle de nos pays respectifs. Nos vies sont devenues minérales. Comme ce désert qui nous enfermait.
Trois de mes compagnons qui ont voulu s’échapper ont été exécutés. Les deux autres ont rapidement été transférés dans un autre camp. Je suis restée seule.
Quelques semaines après notre enlèvement, je me suis aperçue que j’étais enceinte. La mer m’avait rattrapée. J’ai quitté Saint-Malo pour le Yémen. La veille de mon départ, j’ai annoncé à l’homme avec qui je vivais que je partais. Je ne savais pas que j’emportais une part de lui dans ma fuite. L’enfant est né. Je l’ai appelé Pierre. Parce qu’ici règne le minéral. Parce qu’ici on oublie jusqu’à l’existence de la mer. L’attente de Pierre et sa naissance ont été pour moi le seul lien avec la vie. Pierre est devenu mon temps, mon espace, ma géographie et mon histoire.
Sept ans de silence. Sept ans d’attente. L’oubli a succédé à la violence. Les hommes du camp allaient et venaient. Parfois ils m’apportaient quelques vêtements pour l’enfant. Je trouvais chaque matin de la nourriture devant notre tente. Pas de mots, pas de contact.
Moi qui avais fui la mer, j’ai commencé à l’invoquer. Si je plongeais dans mes souvenirs, j’entendais le roulement des vagues, comme une musique, chaque jour différente. De la berceuse à la tourmente symphonique d’une tempête. Quand Pierre a grandi, je lui ai raconté des histoires de mer.

Les récits d’aventure nous avaient nourris, mon frère et moi. Les héros dont nous nous sentions si proches parce que nous étions là, les pieds dans le sable et les yeux sur l’horizon, accompagnaient nos heures vagabondes.
La mer, nous pensions la connaître. Elle était notre univers, notre terrain de jeu, notre avenir.
Nous connaissions les horaires des marées. Nous avions passé tellement d’heures à l’observer que nous pensions avoir percé tous ses secrets.
La première fois que Papa a emmené mon frère à la pêche, j’ai su qu’il me le volerait. Il volerait mon prince, comme il avait déjà volé le cœur de ma mère.
Je suis restée sur la plage. Un jour de janvier. Je n’avais pas réussi à devenir sirène pour le suivre sous l’eau. Je suis restée assise sous les bourrasques, fouettée par la pluie. J’étais un peu sirène parce que mes larmes disparaissaient sous l’averse . J’ai attendu. Il était parti avant le lever du soleil et à la nuit tombée il ne m’avait pas rejointe. Je regardais la mer. Tous les bateaux avaient dû rentrer parce que la tempête menaçait. Je continuais à essayer de deviner l’horizon.
Je suis restée là des heures. Quand je me suis réveillée, j’étais à la maison. J’entendais des bruits de pas dans le couloir et des sanglots.
Les marins qui partaient d’habitude avec mon père étaient dans le salon. Le bateau sur lequel pêchait mon père n’était pas rentré. Les recherches avaient cessé à cause de la tempête et devaient reprendre le lendemain.
On n’a rien retrouvé.
J’ai attendu sur la plage les jours qui ont suivi. Je l’entendais dans le vent :
« Viens ! Elle est bonne ! Viens où je ne te parle plus !
Je n’y suis pas allée. Il s’est tu.
Je n’ai plus eu que le souvenir de nos courses, son sourire dans les vagues, ses mains fraiches qui arrangeaient mes cheveux.
« Aille ! Tu me fais mal !
_ Une sirène ne se coiffe pas comme une sorcière ! »
J’ai détesté la mer. Je devais lui tourner le dos. Je voulais un monde où mon regard ne se perdrait pas dans l’eau.

Je ne suis pas folle.
Je tangue dans cette chambre, à la dérive de mes souvenirs.
Ce qui part s’échoue. Ce qui vient mourir se retire. Ce qui plonge refait surface.
Je serre la main de Pierre dans la mienne. Ses paupières ont pris un ton violet et ne frémissent plus sous ses rêves. J’approche mon visage du sien. Il y a ce calme et ce silence qui annoncent la tempête. Les lèvres de Pierre murmurent :
« Je n’ai jamais vu la mer. »
Je suis là, sur le carrelage qui roule des vagues noires et blanches. Je suis là, dans le silence de la douleur pure. Ces vagues noires et blanches ne m’engloutiront pas.
Ce qui m’a submergée, roulée, déchiquetée, s’est abattu sur moi comme une lame de fond. J’ai été soulevée, projetée, j’ai vu le ciel se déchirer dans un éclair. La vague enflait dans un grondement de fin du monde. J’ai cru que je resterai suspendue dans le ciel. Et j’ai senti alors mon corps se disloquer. Il n’y avait plus de bas ni de haut ; je tournais, et la masse qui s’abattait sur moi me coupait le souffle, m’écrasait, m’engloutissait. Je ne respirais plus. J’ai heurté les rochers du fond. J’ai glissé sur eux en laissant des lambeaux de moi. J’ai vu s’élever cette vague géante. Je l’ai vue s’élever dans son dernier souffle quand il m’a dit : « je n’ai jamais vu la mer. », et s’abattre sur le silence et la nuit.
« Viens donne-moi la main. Le premier à l’eau aime le plus l’autre !
_Elle est froide.
_Non elle est bonne ! Viens !
_Regarde ! regarde comme je plonge »
Des phrases qui cognent et qu’il ne prononcera pas. Des phrases emportées par ce dernier souffle.
« Je n’ai jamais vu la mer. »

jeudi 13 mai 2010

RUE DE LA SARDINE

Sculpture à Port Lligat qui m'a fait penser au titre d'un roman de Steinbeck: "Rue de la Sardine".
Peut être aussi pour cette troupe bigarrée que nous avons formé sur la plage et
pour les sardines que nous y avons dégustées au goûter!
Visite du Musée Dali et pause à Port Lligat avec les Beaux Arts.
Merci à tous ceux qui ont fait de cette journée une fête.



lundi 19 avril 2010

TEXAS FLOOD

Victor (fusain ombre et lumière)




jeudi 8 avril 2010

ALLER SIMPLE

NOUVELLE A THEME : Déracinés



ALLER SIMPLE



Les quais ont rapidement disparu. Plus vite qu’il ne l’aurait cru.
Il les a quittés des yeux, alerté par les larmes sur les joues de sa mère. Quand il les a cherchés de nouveau, ils n’étaient plus là. Même plus l’éclat blanc de la ville. Plus rien que la mer. Grise et froide.
Il a cru qu’elle serait heureuse de ce voyage. Il a suivi les préparatifs sans bien comprendre cette agitation autour de lui.
C’est la première fois qu’il part. Il se souvient encore du bateau qu’il a vu s’éloigner deux ans auparavant quand ses parents sont partis en voyage et qu’il a pleuré dans les bras de sa grand-mère. Il se souvient de l’attente de leur retour. Des jours interminables à guetter le pas de son père dans les escaliers et le froissement des vêtements de sa mère, de l’autre côté de la porte de sa chambre.

Il se souvient du rayonnement de sa mère à leur retour. Le soir, elle lui raconte son voyage.
« Tu verrais cette vie là-bas ! L’élégance des femmes dans la rue ! Rien à voir avec ce que nous avons ici ! Il faisait tellement froid aussi ! J’ai cru que je perdrais mes oreilles ! Tous les enfants ont le bout du nez et les joues rouges ! Tu m’as tellement manqué ! »
C’est tout ce qu’il veut lui entendre dire. Il veut partager avec elle la douleur de la séparation. Il la laisse pincer légèrement ses joues pour leur donner de la couleur. Le bateau ne partira plus sans lui.
« Tu aimerais vivre là-bas ? Lui demande-t-il.
_ Je ne sais pas. Je crois que le soleil me manquerait. Mais c’est tellement beau ! Tante Agathe est une vraie parisienne. Elle marche très vite dans la rue. Elle dit qu’elle est toujours pressée. Ses enfants ont un accent tellement amusant ! Pourtant ils disent que c’est nous qui parlons bizarrement. »
Son père entre et dit :
« Ta tante semble avoir oublié qu’elle a vécu ici avant de devenir parisienne ! Elle peut mettre la bouche en cul-de-poule, elle reste une fille du bled !
_ Pourquoi dis-tu ça ? Je la trouve très distinguée. Elle n’a jamais aimé la vie ici. Trop de soleil pour elle. »

Son père n’a pas aimé Paris. Il est heureux depuis leur retour de voyage.
« Regarde autour de nous. Notre terre est là. Quand mon père y est arrivé, il n’y avait que des doums. Il a tout défriché. Cette maison n’existait pas. C’était un poulailler. C’est là qu’ils ont vécu avec ta grand-mère et c’est là que je suis né. Maintenant les champs sont cultivés et quand Dieu le veut, la récolte est bonne. A Paris, je me cognais aux murs. Et puis tous ces chichis de tante Agathe, c’est pas pour moi. C’est comme si je manquais d’air. »

Ce jour là, son père ne parle pas. Accoudé au bastingage il laisse son regard se perdre. Il ne voit pas les larmes de la mère. L’enfant le regarde. Il veut imprimer ses traits dans sa mémoire, avant qu’ils arrivent là-bas. Il sait que dans la ville son père ne pourra pas vivre. Qu’il se cognera aux murs. Qu’il manquera d’air. Qu’il mourra comme est mort le grand-père quand il a appris qu’il devait quitter les terres. La grand-mère n’a pas pu sortir sur le pont. Elle est faible depuis la mort du grand-père. Elle est comme lui, l’enfant. Elle ne comprend pas pourquoi il a fallu partir. Le matin du départ elle s’est agrippée à une cocotte en fonte et a juré qu’elle ne partirait pas sans elle. C’est tout ce qu’elle veut emporter. Une cocotte en fonte. Pour cuisiner. Pour ne pas mourir.

Qu’a-t-il emporté, lui ? Il a fait le tour de sa chambre avant de partir. Il a vérifié que tout soit en ordre. Il retrouvera ses jouets comme il les a rangés. Quand il ferme les yeux, la nuit, il visite sa chambre. Chaque objet est à sa place. La lanterne magique sur la table de chevet. Le château que grand-père a fabriqué. Les petits soldats à l’intérieur_Il a pris soin, en partant, de remonter le pont-levis. Ses livres sur les étagères. La berceuse où sa mère s’assoit pour lui lire des histoires. Il a juré à son ours en peluche qu’il reviendrait. Qu’il n’a pas à s’inquiéter. Mais les cris de l’ours ont réussi à le convaincre de le prendre avec lui.
« Si tu sors du sac devant tout le monde, je te jette à la mer ! »
Son père lui a dit qu’il est un homme maintenant.

Pas de larmes dans les yeux des hommes. Grand-père n’a pas pleuré. Il s’est retiré dans sa chambre et toute la maison a tremblé le lendemain quand on l’a retrouvé mort.
Toutes les femmes, autour de lui, pleurent. Les larmes ont creusé le visage de sa mère en quelques jours. Les yeux de Grand-mère ne sèchent plus.
Fatouma le prend dans ses bras dès qu’il la croise et l’étouffe de baisers humides. Radia aussi pleure dès qu’elle l’aperçoit. Il veut se cacher. Il croit qu’il porte la tristesse en lui. Il cherche dans les miroirs ce qui peut bien faire jaillir toutes ces larmes. Il a même plongé son visage dans l’eau de la fontaine. Longtemps, jusqu’à ce qu’il suffoque. Pour noyer le chagrin.

Depuis qu’il a perdu les quais, la mer brasse des eaux noires.
Sans le sillage d’écume blanche, à l’arrière du bateau, il se croirait à jamais prisonnier de l’eau.
Il ne sait pas où il va.
Son père lui a dit qu’ils accosteront à Marseille et qu’ensuite ils rejoindront Paris. Qu’ils iront chez tante Agathe. En attendant.
« En attendant quoi ?
_ En n’attendant rien. Seulement le temps que nous trouvions où loger.
_ Dans un poulailler ? Avec des doums ? Comme Grand-père ?
_ Non ! Dans un appartement sans doute.
_ Est-ce que tu te cogneras aux murs ? Est-ce que nous aurons assez d’air pour tous ? »
Ce qu’il n’ose pas demander, c’est quand ils reviendront. Quand il retrouvera sa chambre. Qui s’occupera de grand-père.
« Grand-père est monté au ciel. » Lui a dit Grand-mère. « Il ne pouvait pas quitter les terres. J’irai le rejoindre. Je ne peux pas le laisser seul. »


Assis devant son bureau il attend la visite de ses petits enfants. Des enfants aux joues rouges. Il est ce monsieur respectable. Cet avocat d’affaires consulté du Tout-Paris. Il a épousé une femme élégante. Leurs enfants ont grandi et quitté la maison. Après la mort de son père, sa mère s’est installée dans le sud de la France. Un peu plus près du soleil.
Plus jamais il n’a vu les quais. S’il ne les avait pas quitté du regard il ne les aurait peut-être pas perdus.
Il se prépare à recevoir ses petits enfants. Il leur trouve un dôle d’accent. Il a appris à masquer le sien. Il a appris à marcher vite dans la rue. Il a apprivoisé les murs de cette maison à quelques kilomètres de Paris. Il a fait planter quelques doums qui n’ont pas résisté à l’hiver. Il ne se cogne pas. Il respire. Il sait qu’à tout instant il pourrait étouffer, se cogner et disparaître. Qu’il pourrait partir sans avoir revu les quais.
A chacun de ses séjours au bord de la mer il s’est senti englouti par l’obscurité des flots. Il n’a pas retrouvé le chemin d’écume blanche.
Il n’est jamais retourné chez lui.
On lui a dit que ce n’était plus chez lui.

Quand il pousse la porte de sa chambre tout est là. Personne n’a abaissé le pont-levis du château de Grand-père. Sur la table de chevet tourne toujours la lanterne magique. Il s’allonge et ferme les yeux pour entendre sa mère lui faire la lecture. Demain matin Fatouma aura cuit des beignets. S’il court à travers champs, il arrivera jusqu’à la maisonnette de terre battue et effrayera les poules de Radia. Elle lui servira du thé brulant. A la menthe fraiche elle aura ajouté quelques brins d’absinthe. Elle choisira pour lui des œufs qu’il rapportera à la maison. Quand Grand-mère le verra si sale de ses courses à travers champs, elle lui donnera un bain dans la grande lessiveuse en zinc. Il attendra sur la terrasse le retour de Grand-père sur son cheval. Vendredi, il l’accompagnera en ville. Il apercevra les hommes en blanc dans le cimetière musulman.
C.M.

mardi 30 mars 2010

REDRUM

collectif à trois mains (droites : JP. R. et Moi-même!) fusain et acrylique
Un révolver, un journal, un modèle qui change de pose tous les quarts d'heure, R., JP., et moi-même pour une hisoire qui s'invente au fil du fusain.
Petit rappel pour les cinéphiles: REDRUM vient du film de S. Kubrick "The Shining"(adapté du roman de S. King) . C'est MURDER à l'envers.

jeudi 18 mars 2010

TRANSMISSION-IMPOSSIBLE

crayons de couleur et encre


Que transmet-on?

A ses enfants, autour de soi?
Qu'est-ce qui se glisse entre la solitude et la rencontre de l'autre?

Lu dans "Lire" la dernière chronique de Frédéric Beigbeder. Il évoque la mort de Salinger. La vraie mort, parce que d'une certaine manière, il était déjà mort pour la vie. Il s'en était retiré.
Pendant plus de cinquante ans, il a été un fantôme avant de se décider à mourir vraiment.

Quelle différence y a-t-il entre une solitude habitée et le sentiment de solitude que certaines foules suscitent? Entre le silence et la rumeur? Entre ce qu'on enferme en soi et ce qu'on essaie de transmettre?

"C'est drôle. Faut jamais rien raconter à personne. Si on le fait, tout le monde se met à vous manquer."
J.D. SALINGER "L'attrappe coeur".

jeudi 11 mars 2010

NOUVELLE




Nouvelle à thème : Gourmandise
Dîner à Manhattan


Le vent de novembre balayait les allées de Battery Park.
Elle ne renoncerait pas pour autant à sa promenade quotidienne. Elle n’avait pas besoin de ça pour aiguiser son appétit ; c’était plutôt le moyen qu’elle avait trouvé de repousser le moment de manger. Le temps de rêver du plaisir qu’elle aurait quand elle entamerait son repas.
C’était son caprice de gourmande.
Sa manière de tenir en respect la voracité. L’idée qu’elle se faisait de l’humanité.
Elle aimait tourner le dos à Manhattan. Laisser flotter son regard le plus loin possible et enfin se retourner pour lire la ligne brisée des buildings comme le graphique de son propre rythme cardiaque.
Respirer et se sentir vivante.

A cette époque de l’année, les promeneurs sont rares, au crépuscule, sur Battery Park, quand le souffle de l’East River mord les allées.
C’est son heure. Les rayons du couchant embrasent Manhattan.
L’heure gourmande !
Elle y pense chaque soir.
Depuis qu’elle vit seule.

Elle ne supportait plus qu’on l’appelle pour diner. Vivre seule lui permet de faire de chaque repas une fête. C’est ce qu’elle aime le plus. Aller dîner comme on se rend à une fête. Comme dans ses lectures enfantines, où les réceptions dans les châteaux étalaient leurs délices à la lueur des bougies.
Elle avait décidé que chacun de ses repas serait une fête pour laquelle elle choisirait chaque soir un nouveau convive.

Elle avançait lentement dans les allées de Battery Park. Elle cueillait sur les visages croisés l’étincelle qu’elle avait allumée. Elle cherchait un parfum, le velouté d’une peau, l’onctuosité d’un regard.

Il venait d’atteindre les allées de Battery Park quand les derniers rayons du soleil de novembre disparurent derrière les buildings.
Il voulait oublier sa solitude. Tourner le dos à Manhattan et regarder vers le large.
Il était seul depuis presque un mois.
Quand le froid lui mordrait le visage jusqu’à la douleur il se déciderait à rentrer. Il redoutait cette heure où il devrait revenir chez lui. Tout avait perdu la moindre saveur depuis qu’elle l’avait quitté.
Ses pas l’avaient conduit jusqu’à Battery Park ; une errance plus qu’une promenade.
Les heures qu’il passait enfermé dans l’appartement nouaient son estomac.
Il croisait les miroirs sans se reconnaître. Il se sentait aussi inconsistant qu’une ombre.

« Vous venez de prendre un chocolat ? »
Machinalement, il porta la main au-dessus de ses lèvres pour essuyer d’éventuelles traces de chocolat.
Elle continuait à le dévisager en souriant.
« C’est votre parfum ! Vous n’avez pas de traces sur le visage ! Je peux sentir aussi le savon que vous avez utilisé pour vous laver les mains. Et le whisky que vous avez bu hier soir. »
Il eut le sentiment d’être transparent. Qu’elle lisait en lui malgré son air fermé, sans qu’il ait à fournir le moindre effort. Sans qu’il prononce un seul mot. Cette idée lui plut.

« Je peux vous inviter à dîner ! »
Il se sentait tellement peu concerné qu’il ne répondit pas tout de suite.
« J’allais dîner. Vous voulez bien m’accompagner ? »
Il devait se défaire de sa solitude comme d’un manteau trop lourd à porter mais qu’il n’avait plus la force de retirer.
« Vous savez ce que je préfère, quand je regarde Manhattan ? Ce qui est tout en haut. Qu’on ne pense jamais à regarder. »
Il la fixait, toujours ébahi. Il se laissait porter par ses mots. Il n’avait pas le temps de répondre à ses questions. Il se contentait de la regarder.
« Les réservoirs d’eau, en haut des buildings. »
Il s’efforça de deviner la forme cylindrique d’un réservoir dans le couchant.
« Si vous dînez avec moi, je vous ferai découvrir celui que je préfère. »
Il ne prêtait plus attention à ces réservoirs depuis tout le temps qu’il vivait à Manhattan. Il se mit à penser qu’il ne relevait plus la tête depuis des jours.
Pendant qu’elle lui indiquait les toits de Manhattan, il se perdait dans la contemplation de sa chevelure qui ondoyait dans le froid de la bise. Elle s’étalait en volutes obscures comme des lambeaux de nuit. Ses yeux brillaient d’un éclat verdâtre pareil à celui de l’eau dans la lumière des réverbères.
Elle était vêtue de noir. L’échancrure de son col laissait deviner un mince collier de rubis taillés.

Il était étourdi du bruit de Manhattan ; les sirènes des voitures de polices, les hurlements des convois de pompiers, les klaxons, la rumeur permanente de la ville qui ne s’endort jamais.
Elle s’enivrait des odeurs qu’elle traquait à travers toute la ville. Ces parfums oubliés qui ne demandent qu’un peu d’attention pour renaitre.

Il sentit son bras glisser sous le sien avant même qu’il ait pu répondre. Elle l’entrainait déjà vers les tours de Manhattan quand il tourna la tête vers l’eau.
Il n’avait pas réussi à atteindre la balustrade et à regarder au loin. Elle l’avait cueilli avant.
« Qu’est ce que vous cherchez vers le large ? Vous aimeriez quitter la ville ? »
Il ne savait pas. Tourner le dos à Manhattan le soulageait. Comme tourner le dos à sa souffrance. Et puis revenir. Sans se demander pourquoi.

Chaque soir, arrivé au bout de Manhattan, il fixait l’eau. S’il avait la force de sauter, il n’aurait pas à revenir. Encore et encore. Il s’abandonnerait à l’obscurité froide de la rivière et il n’y aurait plus d’autres souffrances.
« Je ne sais pas, je regarde et de tourner le dos à Manhattan me soulage. Et puis j’y reviens. C’est comme ça.
_ Vous avez faim ? »
Il ne connaissait plus la faim.
« C’est parce que vous ne vous laissez pas séduire par les parfums de la ville.
Savez-vous ce que sent l’air, ici, à Battery Park ? Cette odeur d’eau douce qui se mêle à la mer ? Ça ne vous fait penser à rien ? »
Il ne voyait pas. Il ne sentait aucun parfum. Il était trop las pour chercher.
« La carpe farcie de chez Rosenbaum ! Vous connaissez ? J’y retrouve mêlées l’odeur de l’East River et celle de l’océan. La conquête du sel sur l’eau fade du fleuve. On ne prête pas assez attention aux parfums de Manhattan. On se laisse gagner par cette odeur de pneus sur l’asphalte et on oublie le reste.
J’habite cette tour ; le dernier étage avant le réservoir ! Je peux saisir ici tous les parfums de la ville. Les bretzels du vendeur au coin, le café dans le gobelet du passant. »
Son bras glissé sous le sien le guidait sans qu’il put résister. Ils avaient quitté Battery Park en direction du quartier des affaires.

Il sentait ses jambes lourdes et la lassitude l’imprégnait comme l’humidité du soir. Il se laissait bercer par le flot de ses paroles.
Elle l’entrainait devant des vitrines de pâtisseries et d’épiceries fines. Des écrins de bois sombre enfermant des architectures féériques de gâteaux à la crème ou alignant sur des étagères des bocaux aux reflets melliflus et des charcuteries enrubannées. Elle entrait et sortait les bras chargés de paquets. Elle lui décrivait ce qu’elle venait de choisir. Comment se déroulerait leur repas.
Il ne résistait pas. Cette soirée lui semblait surréaliste. Personne, jamais, ne l’avait convié à un tel repas. Elle l’envoutait.

Quand il arrivèrent au pied d’une tour du quartier des affaires, elle l’entraina sous un porche. Le gardien les salua avec un sourire entendu. Elle l’attira sans un regard jusqu’à l’ascenseur.
Elle ouvrit la porte d’un appartement plongé dans l’obscurité.
Il cherchait à habituer ses yeux aux ténèbres. Le froid à l’intérieur le surprit.
« Ne cherchez pas l’interrupteur ! Je n’ai pas l’électricité ! » Dit-elle en allumant une bougie.
Elle avançait et éclairait sur son passage des chandeliers posés le long d’une immense table.
Elle commença à disposer ce qu’elle avait acheté.
Elle continuait à lui raconter la magie des parfums. Comment la crème, en fondant dans la bouche, libérait des arômes de vanille tout droit venus de Madagascar.
Il songeait encore à la manière dont il avait englouti son chocolat chaud avant de sortir. Sans envie et sans plaisir. Seulement pour que ses jambes puissent le porter jusqu’à l’extérieur.
Elle l’installa à un bout de la table, le servit et vint s’asseoir de l’autre côté. Elle le regardait manger et commentait chaque met qu’il découvrait.

Il la vit se servir un verre et boire. Les flammes des chandeliers allumèrent un instant le liquide qu’elle portait à ses lèvres du même éclat rouge sombre que le collier autour de son cou.
Il chercha la carafe des yeux.
« Je vais déboucher du champagne pour toi. » Lui dit-elle.
Il remarqua qu’elle venait de le tutoyer.
« Les bulles aussi invitent au voyage. »
Il sentit sur son nez le pétillement du champagne. Les bulles éteignaient la tristesse qu’il portait en lui depuis le départ de sa femme.
Il mangeait ce qu’elle lui servait. Il mangeait sans faim. Presque par curiosité. Il mangeait en pensant, à chaque bouchée, qu’il se rapprochait d’elle.
« Je n’ai plus faim ! Ne me sers plus rien !
_ Crois-tu que l’on mange par faim ? Ce que tu as pris ce soir, tu l’as pris par plaisir. Je ne crois pas que tu aies eu faim. Ça aussi je peux le sentir ! »

Avant qu’il puisse répondre, elle l’entraina vers une porte au fond de la pièce.
« Je vais te montrer mon réservoir préféré. »
Le vent s’engouffra dans l’appartement.
Il frissonna.
Il s’aperçut que le froid ne l’avait pas quitté. Il se sentit comme engourdi par tout ce qu’il avait mangé.
Elle se glissa le long d’une échelle métallique et lui tendit la main.
Le vent, plus glacial que celui de Battery Park, faillit lui faire perdre l’équilibre.
Il sentit ses mains sur ses épaules. Il crut qu’en la prenant dans ses bras il pourrait oublier sa femme. Il crut que la douleur de ces jours sans goût pourrait s’envoler.

« Tu te serais jeté dans l’East River. Ce soir ou demain. Quel gâchis ! »

Elle planta ses dents dans son cou comme un frisson. Il sentit ses jambes se dérober.
Il aperçut, par une trappe qui baillait dans le vent, un enchevêtrement de corps à l’intérieur du réservoir et sur un plateau, une carafe remplie d’un liquide rouge sombre.
C.M.

mercredi 10 mars 2010

VOYAGE A TOKYO

Embarquement immédiat pour Tokyo.
En flanant chez Virgin je suis tombée sur une perle: "Tokyo Sanpo" de Florent Chavouet.
Un livre de dessins d'un jeune dessinateur qui est parti vivre pendant six mois à Tokyo.

"six mois de croquis et de quotidien au pays du café glacé, 208 pages couleur broché, quarante fois moins cher qu'un aller-retour Paris/Tokyo" aux éditions Philippe Piquier.

C'est une bouffée d'oxygène, un cocktail de vitamines.
je vous invite à visiter son site et son blog dans lequel il dessine chaque jour un sushi ....
http://www.florentchavouet.com/home.htm
http://florentchavouet.blogspot.com/

mercredi 3 mars 2010

SCOOP


Rarissime! On a enfin pu photographier une saussice cocktail vivante!
Quand je pense à toutes ces têtes coupées... demain, j'arrête les saussices cocktail.

QUEBEC, mode d'emploi!


Le Quebec est francophone. Avant de se lancer dans l'aventure il faut éclaircir quelques points de vocabulaire.

Exemple: en feuilletant le Routard on apprend qu'il ne faut pas commander une "boisson" car "boisson" désigne quelque chose d'alcoolisé. il faut demander un "breuvage" si on veut un soda.
J'ai été surprise par les mines étonnées de ceux à qui je disais "bonjour" en arrivant quelque part parce qu'il faut dire "bon matin" pour "bonjour" et "bonjour" pour "au-revoir".
On se retrouve vite en décalage!
En me renseignant sur ce qu'il fallait prévoir pour un voyage en hiver, j'ai lu partout : "n'oubliez pas votre tuque" (?)
C'est un bonnet!
Moi quand j'entends "TUC" je pense petit gateau salé. "Tuc à toute heure". Quand on a eu 20 ans dans les années 80 on est forcément "fils de pub".

(crayons de couleur et encre de Chine)

lundi 1 mars 2010

CORNES DE GAZELLES : RECETTE

crayons de couleur et encre


samedi 20 février 2010

UN, DEUX ...ZERO !

dessin crayons de couleur + encre


On a tous en tête des duos célèbres. ils nous accompagnent depuis la nuit des temps : pas d'Adam sans Eve, de Stasky sans Hutch, de Tic san Tac, de Smith sans Wesson, de Heckel sans Jeckel, de Ping sans Pong, de Dupont sans Dupond, de J sans B.....

Le duo est un tout dont chaque partie se perd dans le miroir de l'autre.

C'est comme ça. Mais est-ce que ça n'est pas pesant de temps en temps?

mercredi 17 février 2010

CINEMA

Dessin crayons de couleur


Cet automne, vu dans la fulgurance d'un rond-point, l'affiche du dernier SAW.
Déjà le sixième volet. Le hic : en français ça fait Saw 6 ! le porc de l'angoisse!


lundi 15 février 2010

BABYLONE

Super flumina babylonis illic sedimus et flevimus
(Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions)
Psaume 136







"Le Petit Chaperon Rouge" par Roxane B.

dimanche 14 février 2010

PREMIER RENDEZ-VOUS



C'était pourtant facile. On s'était donné rendez-vous devant le piquet. On était tellement surs qu'on se rencontrerait qu'on a oublié de préciser l'heure et le jour.
En m'attendant il avait cueilli une fleur. J'avais noué un ruban dans mes cheveux.

On savait que les sentiments voguaient par delà l'Espace et le Temps.

Il était là, dans un jardin de Reims, devant le piquet, au mois de mai 1964.
J'étais là, sous le soleil marocain, devant le piquet, au mois de mai ... 1965.

On a mis presque vingt trois ans à lier l'Espace au Temps de ce premier rendez-vous.
Se faufiler à deux dans les mêmes dimentions c'est une façon de frôler l'Eternité.


dessin crayon et poème d'Aragon "que serais-je sans toi" encre de Chine




vendredi 12 février 2010

OMBRE ET LUMIERE

"Il n'y a pas de soleil sans ombre et il faut connaitre la nuit"
A. Camus (Le Mythe de Sisyphe)


Travail sur l'ombre et la lumière aux Beaux Arts.



j'ai poursuivi l'exercice en reprenant l'oeuvre de Banksy (encre de chine)



jeudi 11 février 2010

VOYAGE EN BALLON




Séance de lâcher de ballons au dessus du pont Neuf la semaine dernière aux Beaux Arts. sur chaque ballon nous avions peint un auto- portrait.
ce qui est frappant sur la photo de groupe c'est le sourire sur chaque visage.
il fallait lâcher la ficelle tous en mêmetemps, regarder tous les visages s’éloigner dans le ciel bleu. Monter puis partir à la découverte du monde. Il y a une réelle euphorie , une joie enfantine pure à regarder s’envoler les ballons.
il se dit que dans le groupe qui nous précédait quelqu'un n'a as pu se résoudre à lâcher son ballon. Toujours difficile de lâcher la main de l'enfant.

jeudi 28 janvier 2010

Please hold the line we are trying to connect you...

Encre de chine et poème d'Aragon "les oiseaux déguisés"

Voilà! Un moment que cette idée de blog me trotte dans la tête. Il fallait sauter le pas.

Gardez la ligne nous allons vous mettre en contact..."Would you please hold the line, we are trying to connect you" c'est le message qu'on entendait en boucle, il y a quelques années, avant internet, sur la ligne téléphonique d'une compagnie aérienne quand on essayait de réserver un billet. L'évasion supposait de déployer une patience d'ange. Passé l'énervement, la phrase s'imprime en vous. "Gardez la ligne" Rester mince? Pêcher? S'aventurer sur les traces de Thésée dans les méandres d'un labirynthe? On avait même le temps de chanter Toto "hold the line, love isn't always on time..." ça durait des heures mais si on ne lachait pas, si on se cramponnait à la promesse du message, promis, on resterait connecté.

Depuis mon inscription aux Beaux Arts, la ligne a pris un sens nouveau.

Un chemin entre le trait et les mots.
Trouver le fil, garder la ligne, surtout garder le contact.

PS: j'ajoute le poème d'Aragon cité dans le dessin ci-dessus

Les oiseaux déguisés

Tous ceux qui parlent des merveilles

Leurs fables cachent des sanglots

et les couleurs de leur oreille

Toujours à des plaintes pareilles

prennent leurs larmes pour de l'eau

Le peintre assis devant sa toile

A-t-il jamais peint ce qu'il voit

Ce qu'il voit son histoire voile

Et ses ténèbres sont étoiles

Comme chanter change la voix

Ses secrets partout qu'il expose

Ce sont des oiseaux déguisés

Son regard embellit les choses

Et les gens prennent pour des roses

La douleur dont il est brisé

Ma vie au loin mon étrangère

Ce que je fus je l'ai quitté

Et les teintes d'aimer changèrent

Comme roussit dans les fougères

Le songe d'une nuit d'été

Automne automne long automne

Comme le cri du vitrier

De rue en rue et je chantonne

un air dont lentement s'étonne

Celui qui ne sait plus prier

L. ARAGON